Les Yoga Sutras sont considérés comme la « Bible » du Yoga. On y trouve un concept central, « ahimsa », la non-violence (ou le respect). Il ne s’agit pas seulement d’éviter les agressions mais de ne pas nuire — aux autres, au monde ou à soi-même — par les actes, les paroles ou les pensées. En Occident, le jugement est un réflexe culturel : nous catégorisons vite ce qui est vrai ou faux, juste ou injuste, souvent sans essayer de comprendre le contexte. Le non-jugement ne signifie pas renoncer à son sens critique, mais suspendre les conclusions hâtives pour écouter, comprendre et s’interroger sur ses propres certitudes. Ce principe s’applique aussi à soi-même : nous sommes souvent nos pires juges, surtout face aux injonctions sociales contradictoires. Prenons comme exemple la femme qui doit tout à la fois être mère de famille exemplaire, épouse disponible et désirable, employée irréprochable et cherchant à correspondre à des normes de beauté hors de portée, parce qu’imaginaires … Le Yoga nous invite à pratiquer ce non-jugement en acceptant les limites de son corps et de son esprit, sans chercher la perfection. Historiquement, des penseurs comme les sceptiques grecs, les traditions monothéistes ont valorisé la suspension du jugement pour éviter les erreurs et cultiver la bienveillance (Voltaire : « un jugement trop prompt est souvent sans justice », Léonard de Vinci : « rien ne nous trompe autant que notre jugement »). Aujourd’hui, face aux fake news et aux réseaux sociaux, cette attitude est plus que jamais utile pour développer un esprit critique et une tolérance accrue. Le non-jugement est un outil de sagesse, d’ouverture et de paix intérieure.
in Esprit Yoga 82